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Photo du rédacteurIdisMilena

La vie de Ada - Récit 35 - Lorsque l'aube blanchit -



Musique : "Broken Hearts" - Michael Ortega


Budapest, 5 novembre 1943, 6 heures 45 du matin. Hannah ouvre la porte de la maison. Une dernière fois, elle tourne la tête vers le grand escalier et les souvenirs de sa vie avec Etane et Ada voilent ses yeux. On sait toujours lorsque la vie s'arrête et c'est aujourd'hui la dernière fois.


Ils sont là, dans le jardin. Les chiens aboient et Hannah sent la petite main de Ada agripper la sienne. Une fois encore, Ada lève les yeux vers sa mère, dans un ultime espoir, une ultime quête. Sa tête se tourne vers le sol. Ne pas voir, ne rien ressentir, seulement la chaleur familière de cette main, qui tient si fermement la sienne.


Le jardin est blanc des premières neiges de l'hiver. Le sol gelé craque sous les pas. Emmitouflée dans son manteau de laine, Ada sent le froid glacial monter le long de ses petites jambes et pénétrer son cœur. Les cris fusent de tous côtés. Elle sent des bras la soulever. Ils la poussent brutalement à l'intérieur du camion. Hannah, où est Hannah ? Elle lève son petit visage dans le noir à sa recherche. Sa mère est là, assise à ses côtés. Dans la bousculade, elle a lâché la petite valise qui gît ouverte sur le sol. Étonnée, Ada regarde les bracelets d'or qui projettent de pâles reflets sur la terre gelée. Pourquoi sont-ils là ? Pourquoi Hannah les a-t-elle emportés ?


Terrorisée, Hannah serre la main de Ada dans la sienne. "Ne t'éloigne pas, ne me quitte pas, jamais !". Ada regarde autour d'elle. Des visages apeurés sont entassés avec elles dans le camion. Pourquoi n'est-elle pas partie avec Adam et Sara en cette journée de septembre 1943 ? Ils avaient quitté la maison pour partir sur un autre continent qu'on appelle Amérique. Elsa les avait suivis peu après, avec, pour seul bagage, l'appareil photo qui ne la quittait jamais. Puis Raphaël avait suivi. Avant de partir, il avait supplié Hannah de l'accompagner. Il l'aimait, mais Hannah n'avait pas compris, ou sans doute, ne voulait-elle pas le comprendre. Et puis il était parti, lui aussi. Hannah et Ada étaient restées, seules dans la grande maison, pour attendre Etane. C'est ce que disait Hannah du moins. Il viendrait les chercher et la vie serait à nouveau joyeuse, comme avant ... Dès lors, tous les matins, Ada avait guetté son arrivé. Elle avait attendu la journée, jusqu'au soir, jour après jour, mais il n'était jamais venu.


Les cahots de la route projettent le petit corps de Ada contre les parois du camion. Ses mains se cramponnent pour ne pas tomber. De toutes ses forces, Hannah la retient contre elle et Ada sent le souffle de la peur pénétrer son corps. Nul bruit dans l'habitacle, si ce n'est celui du moteur. Elle regarde les visages autour d'elle. Ce ne sont que des masques de cire, blanchis de terreur. Où vont-ils ? Où les conduit-on ? Pourquoi ?


En cette journée de novembre 1943, Hannah sait que ce camion la conduit sur le chemin de sa destinée. Lorsqu'on est guide, au paradis des âmes, on sait tout. On connaît tout. Lorsqu'on s'incarne sur terre, cet univers si difficile -le plus difficile de tous sans-doute, c'est pour faire grandir son âme. On choisit tout : ses parents, sa vie, ses joies, ses peines, le début et la fin. Puis sur terre, toujours, on oublie. Tout s'efface. On ne sait plus rien, sauf si l'on est guide dans l'univers des âmes. Les guides savent tout, toujours.


Ce dernier voyage sur terre, c'est son ultime rencontre terrestre avec cette âme qu'elle aime et protège, de vie en vie, IDIS, (Ada aujourd'hui en ces années de guerre à Budapest).


Hannah le sait toujours et encore. Rien n'a été effacé de sa mémoire. Elle sait aussi que, de vie en vie, elle et IDIS ne se sont jamais quittées. Parfois homme, parfois femme, parfois mère, parfois père, parfois frère, parfois sœur, parfois mari, parfois épouse ou tout simplement ami(e)s, elles ont joué une multitude de rôles, souvent sur la terre, mais parfois, dans d'autres univers.


C'est terriblement difficile de taire les choses de la vie des âmes. Garder tout cela dans son cœur, en soi, sans pouvoir le partager avec les autres, avec ceux qu'on aime.


Une fois encore, hier, Hannah a essayé. Elle est entrée dans la chambre de Ada, a regardé le petit visage endormi dans le creux de ses bras ... La réveiller, lui expliquer ... Et puis, elle s'est souvenue : à huit ans, on sait tout encore, rien n'est encore effacé. Alors, elle a refermé la porte et est partie rejoindre IDIS dans l'univers des rêves, là où toutes les âmes se retrouvent toujours si facilement ...

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