top of page

Vous aimez ?

Vous pouvez recevoir un mail de notification des mises à jour en vous abonnant  

La vie de Ada - Récit 9 - Silence dans la maison -



Musique : Secret Garden : Lament for a frozen flower

Photo : Power of Words by Antonio Litterio


La plume d'Etane sèche sur l'encrier et les mots ne noircissent plus ses feuilles d'écriture. Etane n'écrit plus. Depuis de longues semaines déjà, il ne parle plus, ni ne rit avec Ada. La nuit, il ne rejoint plus Hannah dans la chaleur du lit. Les heures s'écoulent douloureusement derrière la porte close de son bureau. Lorsque Ada se glisse doucement devant le seuil, ce silence, elle le sent peser sur elle comme un couvercle.


Depuis un mois déjà, le silence a envahi la grande maison. Hannah ne répète plus ses gammes dans le salon et Ada ne peut plus la regarder jouer, comme elle aimait tant à le faire. Tous les matins, Hannah s'empresse de quitter la maison pour rejoindre ses amis musiciens. Ils se retrouvent alors. Où ? Ada ne le sait pas vraiment. Ce qu'elle sait, c'est qu'ensemble, ils jouent, jouent, jusqu'à épuisement. Cachés, serrés les uns contre les autres, ils oublient ainsi l’étau qui se resserre autour d'eux. Pour eux, jouer de la musique, c'est survivre ensemble et oublier, durant quelques heures, la violence et l'oppression qui les entourent.


La guerre est désormais là, omniprésente. Pour Hannah et Etane, survivre, c'est difficile. Ada ne peut plus aller à l'école. Elle n'y est pas en sécurité. Elle passe ses journées à lire et à se raconter des histoires de princesses sauvées par de valeureux chevaliers. Elle ne peut plus courir dans le parc et jouer avec ses amies du voisinage. D'ailleurs, en ce printemps 1942, même les feuilles des arbres hésitent à déployer leur verte ramure dans le pâle soleil. Tout est si froid. Les passants déambulent dans les rues désertes, tête baissée, telles des ombres. Ada aimerait bien être cette ombre, invisible aux yeux des autres. Elle pourrait même être un oiseau, tels les grands oiseaux du parc qu'elle aime tant regarder voler. Elle déploierait ses ailes et partirait loin, loin de cette vie qui l'étouffe, -avec Hannah et Etane bien sûr- ; il est bien difficile de vivre loin de ses parents lorsque l'on est une petite fille de sept ans.


La nuit est tombée sur Budapest. Etane regarde les pages blanches de son cahier d'écriture. Il ferme le couvercle de son encrier et range sa plume dans le tiroir du bureau. Encore une fois, il n'écrira pas ce soir. Demain, peut-être ou après ? On ne connaît jamais vraiment l'inspiration du cœur. On ne sait jamais quand elle vient, ni comment elle arrive. On sait juste que, parfois, c'est la main qui conduit. Les mots se forment sous les doigts sans que l'on sache vraiment d'où ils viennent et où ils conduisent. Il suffit alors de les laisser glisser dans les mystères de l'invisible et dévoiler au monde, les secrets de la vie.

70 vues
bottom of page