Musique - Michel Legrand - Eté 42
La maison s'est figée dans la torpeur de la guerre. Les jours s'écoulent, lentement, douloureusement, au travers de rituels bien installés qui laissent entrapercevoir, parfois, les éclaircies fugitives de ce mois de mai. Hannah s'est réfugiée dans un temps immobile, celui de l'instant, du moment, vide, désespérément vide. Autour d'elle, il y a la vie avec Elsa, Sara, Raphaël et aussi Ada et Adam. Mais elle ne les voit pas, ne les voit plus.
Hannah s'est perdue dans les dédales du temps, qui la ramènent aux jours heureux d'un passé, si loin aujourd'hui. Avant d’appartenir à ce passé, ces moments avaient été ceux d'un présent, il y a longtemps, si longtemps. Ce présent, elle en avait joui simplement, sans avoir besoin de le regarder ni d'y réfléchir. C'était du temps de sa vie qu'elle avait vécu avec toute la force et la passion de son être, en donnant tout d'elle-même et recevant tant en retour. Etane, Ada, et aussi beaucoup d'autres, en avaient fait partie. Les journées, les mois, les années s'étaient entremêlés dans une spirale qui avait apporté la joie et la tristesse, parfois, la vie et la mort. Le temps était passé et aujourd'hui, le vide avait pris la place, toute la place.
Hannah sait que la vie est ainsi faite et que c'est à travers l'immobilité que tout avance. L'immobilité, c'est le temps qui s'arrête pour offrir l'éventail de tous les possibles. Il suffit alors de bien les regarder et de faire son choix, ses choix. Lorsqu'elle était âme au paradis des âmes, il y a longtemps, pour parler en siècles de cette terre, tout était simple. Elle avait choisi ses parents, ce qu'elle allait vivre sur la terre, les êtres qu'elle allait rencontrer, l'enseignement qu'elle allait recevoir pour faire grandir son âme, ainsi que l'heure de sa mort. Ce chemin, elle l'avait fait, si souvent, à travers ses nombreuses vies. Elle le connaissait bien. Mais aujourd'hui Hannah a oublié tout cela. Les guides oublient, eux aussi, même s'ils ont été guide dans l'univers des âmes ...
Alors, pour taire l'immobilité du temps, Hannah a arrêté de penser. Les pensées sont inutiles lorsqu'on les fixe dans le présent. Elles ont alors disparu dans le temps, celui du passé, du présent et de l'avenir pour laisser la place à l'instant, à la vie à cette journée à Budapest en mai 1943.
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